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jeudi 18 novembre 2010

Les défis du premier Aborigène élu au parlement


L’Australie a élu son tout premier député aborigène à l’occasion des élections législatives d’août 2010, un symbole d’espoir pour une société toujours en quête d’une réconciliation avec ses peuples indigènes.

Ken Wyatt

Un souffle de changement dans l’espace politique australien

Après d’âpres batailles électorales qui n’ont pu départager le parti libéral et le parti travailliste aux législatives d’août 2010, les 150 députés du 43ème parlement de l’État fédéral australien pouvaient en cette journée du 14 septembre 2010 entamer leurs législatures avec la garantie de rudes batailles parlementaires à venir tant le gouvernement qui en est issu dispose d’une très étroite marge de manœuvre. C’est Julia Gillard qui 3 mois auparavant avait remplacé à la tête du gouvernement travailliste le premier ministre démissionnaire  Kevin Rudd qui est finalement sortie vainqueur de ces tractations de coulisses où elle a su convaincre 3 élus indépendants et un élu Vert pour former une très courte majorité à la chambre des représentants. L’Histoire ne retiendra assurément pas cette cuisine politicienne mais le symbole et non des moindres que Julia Gillard représente en étant la première femme à diriger l’Australie mais aussi son premier dirigeant né hors du sol australien. L’habileté dont elle a su faire preuve pour ne pas être la plus éphémère chef du gouvernement est tout à son honneur et force est de constater que ce symbole-là d’ouverture et de progrès dans la société australienne apporte une certaine fraîcheur dans sa vie politique.

Julia Gillard

Et ce ne fut d’ailleurs pas l’unique symbole d’optimisme qui a accompagné cette rentrée parlementaire où les Australiens ont élu leur plus jeune député de tous les temps en la personne de Wyatt Roy, un étudiant de 20 ans seulement. Le parlement a aussi connu son tout premier député musulman Ed Husic d’origine bosniaque qui a pour cela dû triompher d’un adversaire qui a cru judicieux de stigmatiser à outrance sa religion pour gagner les suffrages des électeurs. Mais le signe le plus fort est venu de la circonscription de Hasluck dans l’État de l’Australie Occidentale où Ken Wyatt à 58 ans a remporté le siège pour le compte du parti libéral, ce qui en fait le premier Aborigène membre de la chambre des représentants. Les politiciens australiens de tous bords se sont félicités de cette élection qui pour certains constitue une étape positive dans leprocessus de réconciliation du pays. Lors de son discours au cours de cette séance d’investiture du parlement, Ken Wyatt arbora une tenue traditionnelle aborigène et il parla de la fierté qui était la sienne qu’un Indigène puisse au sein même de ce temple de la démocratie, enfin y parler d’égal à égal avec les députés de son pays.

L’ouverture de cette session parlementaire avait été précédée d’une cérémonie traditionnelle aborigène dite « cérémonie de la fumée » où le parlement reçut la bénédiction des anciens de la tribu Noongar. Cette cérémonie plut aux parlementaires au point qu’il fut décidé que la première session de tout nouveau parlement sera précédée d’une cérémonie traditionnelle de cette nature car cela témoignait de l’acceptation de l’héritage des communautés indigènes dans l’histoire et la culture du pays. L’euphorie suscitée par ce moment historique a poussé la chef du gouvernement australien Julia Gillard à annoncer début novembre 2010 la tenue dans un délai de 3 ans d’un référendum sur l’amendement de la constitution visant à reconnaître officiellement les Aborigènes comme les premiers habitants du pays. Il convient toutefois d’accueillir avec prudence ce genre d’effets d’annonces toujours spectaculaires et l’éventualité qu’il faille 3 ans pour inscrire dans la constitution une vérité historique est assez révélatrice des difficultés à venir. En 1999 une première initiative similaire visant déjà à reconnaître les Aborigènes comme premiers peuples d’Australie s’était soldée par un échec cuisant. L’avenir dira si la cérémonie de la fumée n’était qu’un écran de fumée de plus pour dissiper la longue liste des promesses non tenues faites aux peuples indigènes en Australie.

Une méprise électorale offre un trop beau symbole à une nation en quête d’unité

A peine les premiers résultats du vote de Hasluck connus, Ken Wyatt a dû faire l’amère expérience de la réalité de sa condition d’Aborigène dans une société qui bien qu’elle évolue très lentement dans le sens de l’acceptation des peuples indigènes n’en demeure pas moins intolérante lorsqu’il s’agit d’accorder à ces derniers une place dans l’échiquier politique. La réaction courroucée de quelques uns de ses électeurs qui se sont fendus d’une cinquantaine de messages haineux et racistes à son encontre après avoir appris qu’ils avaient élu un Aborigène malgré eux a profondément choqué l’homme qui s’est toujours présenté comme un candidat indigène. Ken Wyatt affirma que ces réactions lui rappelaient sa jeunesse dans l’Australie des années 60, 70 et 80 où il dut endurer toutes les formes du racisme ordinaire d’alors.

Il faut cependant reconnaître que les plaintes scandaleuses à bien des égards de cet électorat libéral se sentant floué sont compréhensibles. Ken Wyatt ne présente pas tout à fait le profile typique d’un aborigène si tenté qu’il en existe un dans l’Australie du 21ème siècle où le brassage ethnique issu des différentes vagues migratoires bat en brèche les certitudes raciales. Ken Wyatt est en réalité métisse et il n’est donc pas surprenant que l’homme qui compte dans sa généalogie des aïeuls de 3 tribus aborigènes mais aussi du sang indien, irlandais et anglais ne soit pas perçu comme l’Indigène qu’il prétend être et que présentent les médias et la classe politique heureux de disposer d’un très beau symbole à offrir au peuple.
Ken Wyatt
De plus, aux vues de certaines affiches électorales où sa peau paraît avoir été éclaircie, il semblerait même qu’il s’agisse là d’une stratégie délibérée du parti libéral local qui a pris quelques précautions avec son électorat le plus enclin à voter pour un candidat bon teint. La très courte victoire de Ken Wyatt avec un écart de moins de 1% avec sa rivale travailliste montre que cette méprise historique d’une poignée d’électeurs a valu son pesant d’or dans l’issue finale de l’élection.

 Le métissage a ceci de curieux que ceux qui en sont issus subissent presque toujours le rejet d’un côté et la méfiance de l’autre. Ainsi des critiques se sont élevées dans la communauté aborigène de Hasluck qui accepte très mal la compromission de Ken Wyatt avec le parti libéral, un parti jugé raciste dont la politique discriminatoire envers les peuples indigènes a été épinglée en 2007 dans un rapport de l’ONU. Ken Wyatt se voit accusé d’avoir renié ses origines aborigènes en joignant ce parti généralement rejeté par l’électorat indigène et qui s’est toujours jusqu’en 2007 au moins, opposé aux excuses aux Aborigènes pour les exactions commises par le gouvernement australien à leur égard.

Il convient donc de ne pas s’attarder sur la couleur de peau du député Wyatt ni de se perdre en conjectures sur les communautés dont il pourrait légitimement se revendiquer. Ce que nul ne peut lui contester c’est qu’il est membre de la nation australienne dont il reflète la diversité culturelle et ethnique. On ne peut aussi remettre en doute l’authenticité de son combat pour la cause indigène ni son sentiment d’appartenir à un peuple auquel il a décidé de consacrer son existence pour la défense de ses droits, de sa dignité et de son bien-être. Malheureusement l’Histoire de ce pays montre que les hommes de la trempe de ce député font encore défaut aux plus hautes instances de l’État.

L’authenticité du combat d’un homme fière de ses origines indigènes

Ken Wyatt est issu d’une famille modeste de 10 enfants où très jeune il a dû travailler pour aider sa famille à subsister. Sa mère faisait partie des générations volées, ces dizaines de milliers d’enfants aborigènes arrachés à leurs familles par l’État et qui furent envoyés dans des institutions pour y suivre une éducation blanche. L’homme cite Nelson Mandela comme source d’inspiration dans son engagement et son combat pour l’amélioration des conditions de vie des peuples indigènes d’Australie. Lors de son discours inaugurale au parlement il a remercié l’ancien premier ministre travailliste Kevin Rudd pour les excuses historiques de l’État australien aux peuples indigènes pour les injustices commises à leur encontre et notamment la mise en place d’un système d’assimilation forcée des Indigènes à travers le retrait des milliers d’enfants de leurs familles.

Convaincu que les Indigènes doivent absolument prendre en main les problèmes qui sont les leurs avant d’espérer un jour voir quelques uns d’entre eux entrer au parlement, Ken Wyatt a aussi plaidé pour que les partis politiques offrent plus de places éligibles aux candidats indigènes. Le nouveau député dit vouloir essayer de faire changer la vision qu’ont les Australiens des cultures ancestrales du pays et de travailler à valoriser cet héritage culturel pour faire avancer les mentalités. L’engagement à lutter pour l’amélioration de l’aide sociale et notamment les fonds alloués à la santé des Aborigènes dont l’espérance de vie est de 17 ans inférieure à la moyenne nationale fait partie de ses priorités.

Ken Wyatt a travaillé comme directeur du département de santé aborigène dans l’Etat de l’Australie Occidentale. Dans un précédent poste qu’il a occupé pendant 10 ans de 1992 à 2002 au sein du département de l’éducation de ce même État, il a beaucoup œuvré pour le suivi et l’amélioration des résultats des étudiants aborigènes. Il est impliqué dans nombreux comités liés aux questions aborigènes que ce soit dans le domaine de la santé, l’éducation ou la gestion des terres. Il a été récompensé de deux médailles en 1996 et en 2001 pour son action en faveur des populations aborigènes. Son travail pour l’amélioration des conditions de vie des indigènes est très apprécié et lui vaut de la reconnaissance tant au niveau de l’État de l’ Australie Occidentale qu’au niveau national.

Au cours de cette fameuse « cérémonie de la fumée » qui a précédé la prise de fonction du nouveau parlement, les anciens de la tribu Noongar ont investi Ken Wyatt de la mission d’être la voix des peuples indigènes au sein du parlement et d’assurer le suivi de toutes les questions liées aux peuples indigènes débattues dans l’assemblée. Un geste fort qui témoigne des espoirs fondés en lui par tous ces peuples incompris, un geste révélateur de l’héritage lourd que va devoir assumer Ken Wyatt pendant son mandat pour faire avancer sa cause.

Un héritage lourd et douloureux

Les populations indigènes en Australie sont constituées par les Aborigènes et les habitants des îles du détroit de Torres. On trouve des traces des peuples indigènes datant de plus de 70 000 ans. Dans l’histoire de la vie politique australienne peu d’acteurs sont issus de ces communautés. Ken Wyatt est tout juste le troisième indigène à siéger dans le congrès australien où deux autres Aborigènes s’étaient illustrés au sénat par le passé. Il s’agit de Neville Bonner du parti libéral de 1973 à 1981 et Aden Ridgeway du parti travailliste de 1999 à 2005. Une situation qui n’est cependant pas représentative du poids démographique des indigènes dans ce pays même si ces derniers ne comptent que pour 3% de la population australienne.

L’histoire de la colonisation de ces peuples par les Britanniques dès la fin du 18ème siècle pèse encore aujourd’hui dans les rapports qu’ils entretiennent avec le reste de la société australienne majoritairement blanche. Le sujet le plus problématique qui cristallise les tensions communautaires et qui est la pierre angulaire du processus de réconciliation dans le pays est le cas des générations volées. La période des générations volées correspond à l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire de l’Australie. Pendant des décennies, que ce soit au niveau l’État fédéral ou au niveau des différents États qui constituent l’Australie les gouvernements ont organisé et institutionnalisé l’enlèvement de nourrissons et d’enfants aborigènes pour les placer dans des pensionnats, des missions ou des familles d’accueil afin qu’ils y reçoivent une éducation conforme à la société blanche. A 18 ans ces enfants déracinés étaient libérés et parfois livrés traumatisés à eux-mêmes dans une société où ils avaient perdu tous repères. Ce démantèlement systématique des structures familiales indigènes fait qu’aujourd’hui encore beaucoup d’Aborigènes cherchent leurs parents, leurs enfants et leurs frères et sœurs.

Cette politique d’assimilation forcée s’est aussi traduite par une sous-évaluation du nombre d’Aborigènes dans la société au point qu’il est encore aujourd’hui difficile d’évaluer le nombre de personnes concernées par ces enlèvements. Une enquête nationale lancée en 1995 et dont les conclusions ont été publiées en 1997 a néanmoins permis de mieux cerner l’ampleur du désastre au sein des populations aborigènes. Ce rapport indiquait que de 1919 à 1970 entre 10 et 33% des enfants aborigènes ont été retirés de leurs familles. Ces enfants ont parfois été victimes d’abus sexuels dans les centres où ils étaient internés et où certains ont été soumis aux travaux forcés.

Depuis les années 90 les enfants des générations volées ne se contentent plus de réclamer des excuses de l’État pour les crimes qui ont été commis à leur égard. Ces populations demandent à présent des compensations financières et jugent insuffisantes les excuses de tel ou tel État australien. Le gouvernement de John Howard qui a dirigé pendant plus d’une décennie le pays de 1996 à 1997 a toujours refusé de présenter des excuses aux Indigènes arguant que cela ouvrirait la voie à d’interminables demandes de réparation. Après 20 ans de batailles les membres des générations volées ont enfin obtenu en 2006 du gouvernement de l’État de Tasmanie la création d’une fondation pourvue de 6 millions de dollars australiens en guise d’efforts pour la réconciliation. Cette compensation financière qui avait déjà été précédée d’excuses officielles 9 ans plus tôt a créé un précédent que de nombreux autres États australiens ont reproduit sans pour autant aller jusqu’aux compensations financières. Cet acte reconnaissait enfin que les Aborigène tasmaniens avaient été dépossédés de leurs terres, coupés de leur culture et enlevés de leurs familles.

Malheureusement une partie de la société australienne nie l’existence même de générations volées et certains affirment qu’il est inapproprié de parler de générations volées à l’égard de ces générations d’Indigènes qui selon eux ont été sauvées de la misère de leurs familles où ils souffraient de viols, d’inceste, de drogue et toutes sortes d’abus. Certains de ces négationnistes vont jusqu’à affirmer que le fait que différents États australiens aient organisé ces politiques de déracinement était une chance pour les Aborigènes. Un autre obstacle à l’effort de réconciliation est le fait que bon nombre d’Australiens ne se croient pas redevables des exactions commises par leurs ancêtres et ne comprennent non seulement pas pourquoi ils devraient s’excuser mais aussi pourquoi ils devraient indemniser les victimes de ce système d’assimilation forcé d’un autre temps. Dans le contexte actuel le gouvernement de Julia Gillard n’a donc aucun intérêt à hâter la tenue du référendum sur la reconnaissance des Aborigènes comme premiers habitants du pays au contraire, plus il retardera cette échéance moins il y aura de rescapés de cette période de barbarie pour exiger des droits qui leur ont toujours été refusés.

Une situation sociale très peu enviable

Au contraire d’un succès au référendum qui stimulera l’estime d’eux-mêmes et la fierté d’un héritage culturel qui devait jadis être tenu caché, un nouvel échec du prochain référendum signifiera l’absence de reconnaissance et donc le déni d’existence dans la constitution des peuples indigènes et cela pourrait avoir un impact négatif sur la perception qu’ont ces peuples du sentiment d’appartenir à la nation australienne. Les différentes initiatives de l’État australien sont marquées par l’échec à résorber ces discriminations qui sont profondément ancrées dans la société et qui accentuent les inégalités sociales dont souffrent les populations indigènes du pays. Le quotidien est encore trop rude pour l’immense majorité de ces populations qui se sentent stigmatisées, désemparées et démoralisées.

Les Aborigènes pâtissent généralement d’une image caricaturale dans les médias nationaux les présentant souvent comme des pédophiles et des alcooliques préférant l’oisiveté. Ils se sentent incompris des médias et des politiciens blancs qui dirigent le pays. Ils dénoncent bon nombre de lois qui reflètent uniquement une vision blanche d’une société qui gagnerait à intégrer les points de vue des Indigènes. Ils fustigent une constitution encore emprunte de discriminations raciales qui se retrouvent dans les lois et les politiques du pays et ils sont en cela confortés par les rapports de l’ONU qui invitent régulièrement l’Australie à rendre compte des avancées dans la réduction des discriminations raciales à l’encontre de ces minorités ethniques. En 2007 un rapport de l’ONU a qualifié de raciste la politique du gouvernement australien de John Howard d’alors à l’égard des populations indigènes. Le gouvernement australien était alors accusé de s’être servi d’un fallacieux prétexte de viols massifs sur enfants dans les communautés indigènes pour restaurer des lois de discrimination raciale qui légalisaient son intervention dans les territoires du nord du pays appartenant aux Aborigènes.

Les Indigènes constituent de loin le groupe le plus défavorisé en Australie avec de très mauvais indicateurs en matière de santé, d’éducation, de logement et de chômage. L’espérance de vie est en moyenne de 17 ans inférieure à la moyenne nationale. Dans la société ils cumulent les handicaps avec un taux de déscolarisation très élevé, des salaires près de 40% inférieurs à la moyenne nationale. Les aides de l’État sont l’unique source de revenus pour la moitié d’entre eux. Le chômage est 3 fois plus élevé que chez les non indigènes et lorsqu’ils trouvent un travail il s’agit le plus souvent des emplois aidés créés par des organismes de l’État en charge de l’assistance aux indigènes comme le Programme de Développement de l’Emploi des Communautés. Bien peu sont propriétaires de leurs maisons et les logements qu’ils louent majoritairement souffrent de sur-occupation avec les problèmes de promiscuité qui en découlent. Les enfants sont exposés à la violence familiale, à la dépendance aux drogues, au suicide qui frappe ces communautés et ils sont 4 fois plus enclins à subir des violences sexuelles que la moyenne. Le fait que les Indigènes soient largement urbanisés ne change rien à cette donne dramatique au contraire c’est dans les banlieues les plus déshérités qu’on les retrouve.

Un fatalisme fort heureusement combattu par l’État et les associations

La situation sociale des peuples indigènes est cependant loin d’être vécue comme fatalité. Au niveau de la société civile, des associations comme reconciliACTIONregroupant des citoyens de tous bords qu’ils soient Indigènes ou non-indigènes œuvrent pour un meilleur dialogue entre les peuples et une égalité de tous en droit. Pour palier à la sous représentation de ces populations dans les médias, des initiatives telles que le Warlpiri Media Association (WMA) qui emploient du personnel d’origines diverses ont vu le jour et diffusent dans un souci de justice des programmes destinés aux Aborigènes. Un an après les excuses officielles formulées à l’adresse des peuples indigènes en 2008 le gouvernement australien s’est engagé à créer une fondation en charge de la gestion des problèmes liés aux traumatismes de la période postcoloniale avec une attention particulière pour les personnes appartenant aux générations volées. Cette fondation ne se donnait pas pour but d’assurer la prise en charge médicale de ces traumatismes mais d’accompagner les Indigènes dans leur développement à travers des programmes d’éducation, la formation de travailleurs sociaux, le financement des programmes de santé et l’évaluation de l’efficacité des différentes mesures d’aide.

L’actuel gouvernement semble avoir à cœur de résoudre ces problèmes touchant les populations indigènes. Et en cela le combat pour la préservation des langues aborigènes comme part de la richesse culturelle du pays et dont une centaine sont menacées de disparition fait partie de la stratégie nouvelle d’acceptation des populations indigènes dans la nation australienne. De même l’allocation par le gouvernement fédéral d’un fond d’environ 6 milliards de dollars australiens pour améliorer le niveau de vie des Indigènes est un autre aspect de cette politique volontariste. On peut aussi citer les 9.3 millions de dollars australiens qui ont été débloqués pour la préservation des langues indigènes. Des mesures qui sont à rapprocher avec celles déjà prises pour enrayer le phénomène de paupérisation excessive de ces populations et pour lutter contre la déscolarisation des enfants.

Dans l’optique d’améliorer progressivement les conditions de vie de ces populations compte tenu des statistiques extrêmement préoccupantes concernant leur espérance de vie, la mortalité infantile ou les maladies chroniques, l’État a décidé de former de nombreux médecins issus de ces communautés. L’université de l’État de la Nouvelle Galles du Sud a ainsi admis dans son cursus 27 étudiants aborigènes, ce qui devrait constituer une augmentation de 20% du nombre de médecins indigènes dans le pays au terme de leur formation. Mais toutes ces louables initiatives risquent de se heurter à la question sensible de la gestion de cette manne financière destinée aux Indigènes. La bureaucratie est souvent mise en cause dans l’inefficacité de la gestion de cette aide dont les trois-quarts sont absorbés par les frais de fonctionnement des administrations rendant ainsi inopérantes les efforts consentis par les autorités.

L’issue incertaine d’un combat pourtant primordial

Le parti libéral étant dans l’opposition, le rôle de Ken Wyatt reste encore difficilement appréciable car il lui faudrait être d’une très grande habileté pour influer sur les sujets qui lui tiennent à cœur, et sur la politique du gouvernement tout en s’opposant à ce dernier. Néanmoins la coalition au pouvoir disposant d’une très courte majorité, la voix de Ken Wyatt va peser dans le vote des lois où un consensus est difficile à trouver mais il n’est pas sûr qu’il ait l’aval de son parti pour voter avec les travaillistes. En outre, Ken Wyatt qui a essuyé de dures critiques d’une partie de son électorat de Hasluck qui lui reproche de ne s’intéresser qu’à la cause indigène a voulu dès sa première prise de parole au parlement se démarquer de cette image d’activiste indigène. Nul ne sait jusqu’où ira son renoncement à ce qui a été jusqu’à présent son principal combat politique pour représenter sans distinction l’ensemble des citoyens de sa circonscription et tordre le coup aux accusations de communautarisme.

Dans une circonscription à l’électorat très volatile où travaillistes et libéraux se succèdent alternativement au siège de député, la mission de Ken Wyatt s’annonce périlleuse car en tant que membre d’une minorité qui a des problèmes spécifiques de discrimination, d’accès aux soins, d’accès au logement et au marché du travail, il devra représenter la majorité qui n’est pas non plus épargnée par les difficultés et qui ne souffrirait pas que ses préoccupations soient reléguées au second plan. Or la réconciliation de la société australienne avec ses peuples indigènes passe par une meilleure représentativité de ces derniers dans toutes les strates de la société. Une représentativité qui symboliserait l’acceptation de la nation australienne de l’héritage culturelle de ces peuples et de la richesse qu’elle tire de la diversité de sa population. Cette réconciliation ne devrait pas faire l’économie d’une condamnation sincère des pratiques du passé où l’intégration signifiait pour les autorités, assimilation forcée et déracinement délibérée. Qu’au 21ème siècle l’État australien condamne ces pratiques nauséabondes est un minimum. Lorsqu’une société prétend éradiquer les différences culturelles existantes dans les composantes les plus minoritaires de sa population, elle ne fait que favoriser le repli communautaire et la marginalisation de ces minorités.

NomeFam

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