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jeudi 18 novembre 2010

Les défis du premier Aborigène élu au parlement


L’Australie a élu son tout premier député aborigène à l’occasion des élections législatives d’août 2010, un symbole d’espoir pour une société toujours en quête d’une réconciliation avec ses peuples indigènes.

Ken Wyatt

Un souffle de changement dans l’espace politique australien

Après d’âpres batailles électorales qui n’ont pu départager le parti libéral et le parti travailliste aux législatives d’août 2010, les 150 députés du 43ème parlement de l’État fédéral australien pouvaient en cette journée du 14 septembre 2010 entamer leurs législatures avec la garantie de rudes batailles parlementaires à venir tant le gouvernement qui en est issu dispose d’une très étroite marge de manœuvre. C’est Julia Gillard qui 3 mois auparavant avait remplacé à la tête du gouvernement travailliste le premier ministre démissionnaire  Kevin Rudd qui est finalement sortie vainqueur de ces tractations de coulisses où elle a su convaincre 3 élus indépendants et un élu Vert pour former une très courte majorité à la chambre des représentants. L’Histoire ne retiendra assurément pas cette cuisine politicienne mais le symbole et non des moindres que Julia Gillard représente en étant la première femme à diriger l’Australie mais aussi son premier dirigeant né hors du sol australien. L’habileté dont elle a su faire preuve pour ne pas être la plus éphémère chef du gouvernement est tout à son honneur et force est de constater que ce symbole-là d’ouverture et de progrès dans la société australienne apporte une certaine fraîcheur dans sa vie politique.

Julia Gillard

Et ce ne fut d’ailleurs pas l’unique symbole d’optimisme qui a accompagné cette rentrée parlementaire où les Australiens ont élu leur plus jeune député de tous les temps en la personne de Wyatt Roy, un étudiant de 20 ans seulement. Le parlement a aussi connu son tout premier député musulman Ed Husic d’origine bosniaque qui a pour cela dû triompher d’un adversaire qui a cru judicieux de stigmatiser à outrance sa religion pour gagner les suffrages des électeurs. Mais le signe le plus fort est venu de la circonscription de Hasluck dans l’État de l’Australie Occidentale où Ken Wyatt à 58 ans a remporté le siège pour le compte du parti libéral, ce qui en fait le premier Aborigène membre de la chambre des représentants. Les politiciens australiens de tous bords se sont félicités de cette élection qui pour certains constitue une étape positive dans leprocessus de réconciliation du pays. Lors de son discours au cours de cette séance d’investiture du parlement, Ken Wyatt arbora une tenue traditionnelle aborigène et il parla de la fierté qui était la sienne qu’un Indigène puisse au sein même de ce temple de la démocratie, enfin y parler d’égal à égal avec les députés de son pays.

L’ouverture de cette session parlementaire avait été précédée d’une cérémonie traditionnelle aborigène dite « cérémonie de la fumée » où le parlement reçut la bénédiction des anciens de la tribu Noongar. Cette cérémonie plut aux parlementaires au point qu’il fut décidé que la première session de tout nouveau parlement sera précédée d’une cérémonie traditionnelle de cette nature car cela témoignait de l’acceptation de l’héritage des communautés indigènes dans l’histoire et la culture du pays. L’euphorie suscitée par ce moment historique a poussé la chef du gouvernement australien Julia Gillard à annoncer début novembre 2010 la tenue dans un délai de 3 ans d’un référendum sur l’amendement de la constitution visant à reconnaître officiellement les Aborigènes comme les premiers habitants du pays. Il convient toutefois d’accueillir avec prudence ce genre d’effets d’annonces toujours spectaculaires et l’éventualité qu’il faille 3 ans pour inscrire dans la constitution une vérité historique est assez révélatrice des difficultés à venir. En 1999 une première initiative similaire visant déjà à reconnaître les Aborigènes comme premiers peuples d’Australie s’était soldée par un échec cuisant. L’avenir dira si la cérémonie de la fumée n’était qu’un écran de fumée de plus pour dissiper la longue liste des promesses non tenues faites aux peuples indigènes en Australie.

Une méprise électorale offre un trop beau symbole à une nation en quête d’unité

A peine les premiers résultats du vote de Hasluck connus, Ken Wyatt a dû faire l’amère expérience de la réalité de sa condition d’Aborigène dans une société qui bien qu’elle évolue très lentement dans le sens de l’acceptation des peuples indigènes n’en demeure pas moins intolérante lorsqu’il s’agit d’accorder à ces derniers une place dans l’échiquier politique. La réaction courroucée de quelques uns de ses électeurs qui se sont fendus d’une cinquantaine de messages haineux et racistes à son encontre après avoir appris qu’ils avaient élu un Aborigène malgré eux a profondément choqué l’homme qui s’est toujours présenté comme un candidat indigène. Ken Wyatt affirma que ces réactions lui rappelaient sa jeunesse dans l’Australie des années 60, 70 et 80 où il dut endurer toutes les formes du racisme ordinaire d’alors.

Il faut cependant reconnaître que les plaintes scandaleuses à bien des égards de cet électorat libéral se sentant floué sont compréhensibles. Ken Wyatt ne présente pas tout à fait le profile typique d’un aborigène si tenté qu’il en existe un dans l’Australie du 21ème siècle où le brassage ethnique issu des différentes vagues migratoires bat en brèche les certitudes raciales. Ken Wyatt est en réalité métisse et il n’est donc pas surprenant que l’homme qui compte dans sa généalogie des aïeuls de 3 tribus aborigènes mais aussi du sang indien, irlandais et anglais ne soit pas perçu comme l’Indigène qu’il prétend être et que présentent les médias et la classe politique heureux de disposer d’un très beau symbole à offrir au peuple.
Ken Wyatt
De plus, aux vues de certaines affiches électorales où sa peau paraît avoir été éclaircie, il semblerait même qu’il s’agisse là d’une stratégie délibérée du parti libéral local qui a pris quelques précautions avec son électorat le plus enclin à voter pour un candidat bon teint. La très courte victoire de Ken Wyatt avec un écart de moins de 1% avec sa rivale travailliste montre que cette méprise historique d’une poignée d’électeurs a valu son pesant d’or dans l’issue finale de l’élection.

 Le métissage a ceci de curieux que ceux qui en sont issus subissent presque toujours le rejet d’un côté et la méfiance de l’autre. Ainsi des critiques se sont élevées dans la communauté aborigène de Hasluck qui accepte très mal la compromission de Ken Wyatt avec le parti libéral, un parti jugé raciste dont la politique discriminatoire envers les peuples indigènes a été épinglée en 2007 dans un rapport de l’ONU. Ken Wyatt se voit accusé d’avoir renié ses origines aborigènes en joignant ce parti généralement rejeté par l’électorat indigène et qui s’est toujours jusqu’en 2007 au moins, opposé aux excuses aux Aborigènes pour les exactions commises par le gouvernement australien à leur égard.

Il convient donc de ne pas s’attarder sur la couleur de peau du député Wyatt ni de se perdre en conjectures sur les communautés dont il pourrait légitimement se revendiquer. Ce que nul ne peut lui contester c’est qu’il est membre de la nation australienne dont il reflète la diversité culturelle et ethnique. On ne peut aussi remettre en doute l’authenticité de son combat pour la cause indigène ni son sentiment d’appartenir à un peuple auquel il a décidé de consacrer son existence pour la défense de ses droits, de sa dignité et de son bien-être. Malheureusement l’Histoire de ce pays montre que les hommes de la trempe de ce député font encore défaut aux plus hautes instances de l’État.

L’authenticité du combat d’un homme fière de ses origines indigènes

Ken Wyatt est issu d’une famille modeste de 10 enfants où très jeune il a dû travailler pour aider sa famille à subsister. Sa mère faisait partie des générations volées, ces dizaines de milliers d’enfants aborigènes arrachés à leurs familles par l’État et qui furent envoyés dans des institutions pour y suivre une éducation blanche. L’homme cite Nelson Mandela comme source d’inspiration dans son engagement et son combat pour l’amélioration des conditions de vie des peuples indigènes d’Australie. Lors de son discours inaugurale au parlement il a remercié l’ancien premier ministre travailliste Kevin Rudd pour les excuses historiques de l’État australien aux peuples indigènes pour les injustices commises à leur encontre et notamment la mise en place d’un système d’assimilation forcée des Indigènes à travers le retrait des milliers d’enfants de leurs familles.

Convaincu que les Indigènes doivent absolument prendre en main les problèmes qui sont les leurs avant d’espérer un jour voir quelques uns d’entre eux entrer au parlement, Ken Wyatt a aussi plaidé pour que les partis politiques offrent plus de places éligibles aux candidats indigènes. Le nouveau député dit vouloir essayer de faire changer la vision qu’ont les Australiens des cultures ancestrales du pays et de travailler à valoriser cet héritage culturel pour faire avancer les mentalités. L’engagement à lutter pour l’amélioration de l’aide sociale et notamment les fonds alloués à la santé des Aborigènes dont l’espérance de vie est de 17 ans inférieure à la moyenne nationale fait partie de ses priorités.

Ken Wyatt a travaillé comme directeur du département de santé aborigène dans l’Etat de l’Australie Occidentale. Dans un précédent poste qu’il a occupé pendant 10 ans de 1992 à 2002 au sein du département de l’éducation de ce même État, il a beaucoup œuvré pour le suivi et l’amélioration des résultats des étudiants aborigènes. Il est impliqué dans nombreux comités liés aux questions aborigènes que ce soit dans le domaine de la santé, l’éducation ou la gestion des terres. Il a été récompensé de deux médailles en 1996 et en 2001 pour son action en faveur des populations aborigènes. Son travail pour l’amélioration des conditions de vie des indigènes est très apprécié et lui vaut de la reconnaissance tant au niveau de l’État de l’ Australie Occidentale qu’au niveau national.

Au cours de cette fameuse « cérémonie de la fumée » qui a précédé la prise de fonction du nouveau parlement, les anciens de la tribu Noongar ont investi Ken Wyatt de la mission d’être la voix des peuples indigènes au sein du parlement et d’assurer le suivi de toutes les questions liées aux peuples indigènes débattues dans l’assemblée. Un geste fort qui témoigne des espoirs fondés en lui par tous ces peuples incompris, un geste révélateur de l’héritage lourd que va devoir assumer Ken Wyatt pendant son mandat pour faire avancer sa cause.

Un héritage lourd et douloureux

Les populations indigènes en Australie sont constituées par les Aborigènes et les habitants des îles du détroit de Torres. On trouve des traces des peuples indigènes datant de plus de 70 000 ans. Dans l’histoire de la vie politique australienne peu d’acteurs sont issus de ces communautés. Ken Wyatt est tout juste le troisième indigène à siéger dans le congrès australien où deux autres Aborigènes s’étaient illustrés au sénat par le passé. Il s’agit de Neville Bonner du parti libéral de 1973 à 1981 et Aden Ridgeway du parti travailliste de 1999 à 2005. Une situation qui n’est cependant pas représentative du poids démographique des indigènes dans ce pays même si ces derniers ne comptent que pour 3% de la population australienne.

L’histoire de la colonisation de ces peuples par les Britanniques dès la fin du 18ème siècle pèse encore aujourd’hui dans les rapports qu’ils entretiennent avec le reste de la société australienne majoritairement blanche. Le sujet le plus problématique qui cristallise les tensions communautaires et qui est la pierre angulaire du processus de réconciliation dans le pays est le cas des générations volées. La période des générations volées correspond à l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire de l’Australie. Pendant des décennies, que ce soit au niveau l’État fédéral ou au niveau des différents États qui constituent l’Australie les gouvernements ont organisé et institutionnalisé l’enlèvement de nourrissons et d’enfants aborigènes pour les placer dans des pensionnats, des missions ou des familles d’accueil afin qu’ils y reçoivent une éducation conforme à la société blanche. A 18 ans ces enfants déracinés étaient libérés et parfois livrés traumatisés à eux-mêmes dans une société où ils avaient perdu tous repères. Ce démantèlement systématique des structures familiales indigènes fait qu’aujourd’hui encore beaucoup d’Aborigènes cherchent leurs parents, leurs enfants et leurs frères et sœurs.

Cette politique d’assimilation forcée s’est aussi traduite par une sous-évaluation du nombre d’Aborigènes dans la société au point qu’il est encore aujourd’hui difficile d’évaluer le nombre de personnes concernées par ces enlèvements. Une enquête nationale lancée en 1995 et dont les conclusions ont été publiées en 1997 a néanmoins permis de mieux cerner l’ampleur du désastre au sein des populations aborigènes. Ce rapport indiquait que de 1919 à 1970 entre 10 et 33% des enfants aborigènes ont été retirés de leurs familles. Ces enfants ont parfois été victimes d’abus sexuels dans les centres où ils étaient internés et où certains ont été soumis aux travaux forcés.

Depuis les années 90 les enfants des générations volées ne se contentent plus de réclamer des excuses de l’État pour les crimes qui ont été commis à leur égard. Ces populations demandent à présent des compensations financières et jugent insuffisantes les excuses de tel ou tel État australien. Le gouvernement de John Howard qui a dirigé pendant plus d’une décennie le pays de 1996 à 1997 a toujours refusé de présenter des excuses aux Indigènes arguant que cela ouvrirait la voie à d’interminables demandes de réparation. Après 20 ans de batailles les membres des générations volées ont enfin obtenu en 2006 du gouvernement de l’État de Tasmanie la création d’une fondation pourvue de 6 millions de dollars australiens en guise d’efforts pour la réconciliation. Cette compensation financière qui avait déjà été précédée d’excuses officielles 9 ans plus tôt a créé un précédent que de nombreux autres États australiens ont reproduit sans pour autant aller jusqu’aux compensations financières. Cet acte reconnaissait enfin que les Aborigène tasmaniens avaient été dépossédés de leurs terres, coupés de leur culture et enlevés de leurs familles.

Malheureusement une partie de la société australienne nie l’existence même de générations volées et certains affirment qu’il est inapproprié de parler de générations volées à l’égard de ces générations d’Indigènes qui selon eux ont été sauvées de la misère de leurs familles où ils souffraient de viols, d’inceste, de drogue et toutes sortes d’abus. Certains de ces négationnistes vont jusqu’à affirmer que le fait que différents États australiens aient organisé ces politiques de déracinement était une chance pour les Aborigènes. Un autre obstacle à l’effort de réconciliation est le fait que bon nombre d’Australiens ne se croient pas redevables des exactions commises par leurs ancêtres et ne comprennent non seulement pas pourquoi ils devraient s’excuser mais aussi pourquoi ils devraient indemniser les victimes de ce système d’assimilation forcé d’un autre temps. Dans le contexte actuel le gouvernement de Julia Gillard n’a donc aucun intérêt à hâter la tenue du référendum sur la reconnaissance des Aborigènes comme premiers habitants du pays au contraire, plus il retardera cette échéance moins il y aura de rescapés de cette période de barbarie pour exiger des droits qui leur ont toujours été refusés.

Une situation sociale très peu enviable

Au contraire d’un succès au référendum qui stimulera l’estime d’eux-mêmes et la fierté d’un héritage culturel qui devait jadis être tenu caché, un nouvel échec du prochain référendum signifiera l’absence de reconnaissance et donc le déni d’existence dans la constitution des peuples indigènes et cela pourrait avoir un impact négatif sur la perception qu’ont ces peuples du sentiment d’appartenir à la nation australienne. Les différentes initiatives de l’État australien sont marquées par l’échec à résorber ces discriminations qui sont profondément ancrées dans la société et qui accentuent les inégalités sociales dont souffrent les populations indigènes du pays. Le quotidien est encore trop rude pour l’immense majorité de ces populations qui se sentent stigmatisées, désemparées et démoralisées.

Les Aborigènes pâtissent généralement d’une image caricaturale dans les médias nationaux les présentant souvent comme des pédophiles et des alcooliques préférant l’oisiveté. Ils se sentent incompris des médias et des politiciens blancs qui dirigent le pays. Ils dénoncent bon nombre de lois qui reflètent uniquement une vision blanche d’une société qui gagnerait à intégrer les points de vue des Indigènes. Ils fustigent une constitution encore emprunte de discriminations raciales qui se retrouvent dans les lois et les politiques du pays et ils sont en cela confortés par les rapports de l’ONU qui invitent régulièrement l’Australie à rendre compte des avancées dans la réduction des discriminations raciales à l’encontre de ces minorités ethniques. En 2007 un rapport de l’ONU a qualifié de raciste la politique du gouvernement australien de John Howard d’alors à l’égard des populations indigènes. Le gouvernement australien était alors accusé de s’être servi d’un fallacieux prétexte de viols massifs sur enfants dans les communautés indigènes pour restaurer des lois de discrimination raciale qui légalisaient son intervention dans les territoires du nord du pays appartenant aux Aborigènes.

Les Indigènes constituent de loin le groupe le plus défavorisé en Australie avec de très mauvais indicateurs en matière de santé, d’éducation, de logement et de chômage. L’espérance de vie est en moyenne de 17 ans inférieure à la moyenne nationale. Dans la société ils cumulent les handicaps avec un taux de déscolarisation très élevé, des salaires près de 40% inférieurs à la moyenne nationale. Les aides de l’État sont l’unique source de revenus pour la moitié d’entre eux. Le chômage est 3 fois plus élevé que chez les non indigènes et lorsqu’ils trouvent un travail il s’agit le plus souvent des emplois aidés créés par des organismes de l’État en charge de l’assistance aux indigènes comme le Programme de Développement de l’Emploi des Communautés. Bien peu sont propriétaires de leurs maisons et les logements qu’ils louent majoritairement souffrent de sur-occupation avec les problèmes de promiscuité qui en découlent. Les enfants sont exposés à la violence familiale, à la dépendance aux drogues, au suicide qui frappe ces communautés et ils sont 4 fois plus enclins à subir des violences sexuelles que la moyenne. Le fait que les Indigènes soient largement urbanisés ne change rien à cette donne dramatique au contraire c’est dans les banlieues les plus déshérités qu’on les retrouve.

Un fatalisme fort heureusement combattu par l’État et les associations

La situation sociale des peuples indigènes est cependant loin d’être vécue comme fatalité. Au niveau de la société civile, des associations comme reconciliACTIONregroupant des citoyens de tous bords qu’ils soient Indigènes ou non-indigènes œuvrent pour un meilleur dialogue entre les peuples et une égalité de tous en droit. Pour palier à la sous représentation de ces populations dans les médias, des initiatives telles que le Warlpiri Media Association (WMA) qui emploient du personnel d’origines diverses ont vu le jour et diffusent dans un souci de justice des programmes destinés aux Aborigènes. Un an après les excuses officielles formulées à l’adresse des peuples indigènes en 2008 le gouvernement australien s’est engagé à créer une fondation en charge de la gestion des problèmes liés aux traumatismes de la période postcoloniale avec une attention particulière pour les personnes appartenant aux générations volées. Cette fondation ne se donnait pas pour but d’assurer la prise en charge médicale de ces traumatismes mais d’accompagner les Indigènes dans leur développement à travers des programmes d’éducation, la formation de travailleurs sociaux, le financement des programmes de santé et l’évaluation de l’efficacité des différentes mesures d’aide.

L’actuel gouvernement semble avoir à cœur de résoudre ces problèmes touchant les populations indigènes. Et en cela le combat pour la préservation des langues aborigènes comme part de la richesse culturelle du pays et dont une centaine sont menacées de disparition fait partie de la stratégie nouvelle d’acceptation des populations indigènes dans la nation australienne. De même l’allocation par le gouvernement fédéral d’un fond d’environ 6 milliards de dollars australiens pour améliorer le niveau de vie des Indigènes est un autre aspect de cette politique volontariste. On peut aussi citer les 9.3 millions de dollars australiens qui ont été débloqués pour la préservation des langues indigènes. Des mesures qui sont à rapprocher avec celles déjà prises pour enrayer le phénomène de paupérisation excessive de ces populations et pour lutter contre la déscolarisation des enfants.

Dans l’optique d’améliorer progressivement les conditions de vie de ces populations compte tenu des statistiques extrêmement préoccupantes concernant leur espérance de vie, la mortalité infantile ou les maladies chroniques, l’État a décidé de former de nombreux médecins issus de ces communautés. L’université de l’État de la Nouvelle Galles du Sud a ainsi admis dans son cursus 27 étudiants aborigènes, ce qui devrait constituer une augmentation de 20% du nombre de médecins indigènes dans le pays au terme de leur formation. Mais toutes ces louables initiatives risquent de se heurter à la question sensible de la gestion de cette manne financière destinée aux Indigènes. La bureaucratie est souvent mise en cause dans l’inefficacité de la gestion de cette aide dont les trois-quarts sont absorbés par les frais de fonctionnement des administrations rendant ainsi inopérantes les efforts consentis par les autorités.

L’issue incertaine d’un combat pourtant primordial

Le parti libéral étant dans l’opposition, le rôle de Ken Wyatt reste encore difficilement appréciable car il lui faudrait être d’une très grande habileté pour influer sur les sujets qui lui tiennent à cœur, et sur la politique du gouvernement tout en s’opposant à ce dernier. Néanmoins la coalition au pouvoir disposant d’une très courte majorité, la voix de Ken Wyatt va peser dans le vote des lois où un consensus est difficile à trouver mais il n’est pas sûr qu’il ait l’aval de son parti pour voter avec les travaillistes. En outre, Ken Wyatt qui a essuyé de dures critiques d’une partie de son électorat de Hasluck qui lui reproche de ne s’intéresser qu’à la cause indigène a voulu dès sa première prise de parole au parlement se démarquer de cette image d’activiste indigène. Nul ne sait jusqu’où ira son renoncement à ce qui a été jusqu’à présent son principal combat politique pour représenter sans distinction l’ensemble des citoyens de sa circonscription et tordre le coup aux accusations de communautarisme.

Dans une circonscription à l’électorat très volatile où travaillistes et libéraux se succèdent alternativement au siège de député, la mission de Ken Wyatt s’annonce périlleuse car en tant que membre d’une minorité qui a des problèmes spécifiques de discrimination, d’accès aux soins, d’accès au logement et au marché du travail, il devra représenter la majorité qui n’est pas non plus épargnée par les difficultés et qui ne souffrirait pas que ses préoccupations soient reléguées au second plan. Or la réconciliation de la société australienne avec ses peuples indigènes passe par une meilleure représentativité de ces derniers dans toutes les strates de la société. Une représentativité qui symboliserait l’acceptation de la nation australienne de l’héritage culturelle de ces peuples et de la richesse qu’elle tire de la diversité de sa population. Cette réconciliation ne devrait pas faire l’économie d’une condamnation sincère des pratiques du passé où l’intégration signifiait pour les autorités, assimilation forcée et déracinement délibérée. Qu’au 21ème siècle l’État australien condamne ces pratiques nauséabondes est un minimum. Lorsqu’une société prétend éradiquer les différences culturelles existantes dans les composantes les plus minoritaires de sa population, elle ne fait que favoriser le repli communautaire et la marginalisation de ces minorités.

NomeFam

jeudi 21 octobre 2010

Le coup de poker de Rafael Correa


Venu expliquer à des policiers grévistes sa réforme du service public, le président équatorien s’est retrouvé séquestré près de 12 heures avant d’être libéré par des unités spéciales des forces armées.


 
Le jour où la révolution citoyenne vacilla

Jeudi 30 septembre 2010, en signe de protestation contre une réforme du service public votée la veille par l’assemblée nationale équatorienne qui les privait d’avantages salariaux auxquels ils avaient jusqu’alors droit, une partie de la police rejointe par des éléments des forces armées se mit en grève. Parmi les manifestations commencées très tôt dans la journée et qui allaient semer le chaos dans les principales villes du pays, les faits les plus marquants sont le blocage de l’aéroport de la capitale Quito, le blocage de l’assemblée nationale et l’intervention des unités spéciales de l’armée pour évacuer le président Rafael Correa d’un hôpital de la police de Quito. Le retrait de la police des lieux publics allait engendrer des scènes d’anarchie dans les villes comme Quito, Guayaquil ou Cuenca où des actes de pillages et d’agressions ont été observés. Le point d’orgue de cette journée mouvementée où le peuple équatorien eut peur pour ses institutions et sa démocratie fut cependant la tournure prise par l’intervention du président Correa au quartier du plus important régiment de la police à Quito où se trouvaient des centaines de policiers grévistes et où le président entreprit de leur expliquer sa réforme.

Accompagné de son ministre de l’intérieur Rafael Correa alla à la rencontre des policiers rebelles et leur tint un discours enflammé que d’aucun juge incendiaire. Les propos du président ne firent que raviver la colère des policiers dont l’agressivité soudaine allait mettre en émoi le pays entier. Le chef de l’État équatorien fut alors insulté, bombardé d’objets divers et en particulier de gaz lacrymogène, sévèrement bousculé au point que sa garde rapprochée l’emmena à l’hôpital située à quelques centaines de mètres de là où il resta reclus pendant 11 longues et interminables heures. Dehors, les policiers encerclèrent le bâtiment faisant ainsi de cette grève un soulèvement quasi-insurrectionnel. Le gouvernement décréta l’état d’urgence pour une semaine dans le pays. Toutes les chaines de radio et de télévision privées furent sommées de cesser leurs programmes et d’émettre à la place la chaine publique. Le bon peuple équatorien put dès lors recevoir les bonnes informations dont il avait besoin sur la gravité des évènements que le pays vivait : un coup d’état était en cours et un complot de policiers allait bientôt avoir raison de la vie du président et de la révolution. La réaction du peuple ne se fit pas attendre et par milliers les Équatoriens convergèrent vers l’hôpital de la police de Quito où leur président était séquestré par les insurgés. Du balcon du troisième étage de l’hôpital Rafael Correa put voir cette foule nombreuse qui scandait son nom mais aussi la panique qui gagnait les rangs de policiers insubordonnés. Vers 23h après un échange de tirs qui dura près d’une demi-heure et fit 2 morts des unités spéciales de l’armée parvinrent à évacuer le président : la révolution citoyenne était sauve.

Rafael Correa dénonce une tentative de coup d’état

De retour au palais Carondelet, siège du gouvernement équatorien, le président Correa s’adressa très ému au peuple venu le soutenir après cette rude épreuve où il déclara s’être senti prêt à perdre sa vie pour le bien de la patrie. Il remercia le peuple d’avoir défendu la révolution citoyenne et souligna son courage face aux brutalités de mauvais policiers. Il fustigea ceux qui espéraient couvrir du sang de leurs frères le sol équatorien, séquestrer son président pour déstabiliser le gouvernement et ainsi obtenir un pouvoir dont ils n’ont pu s’emparer par la voie des urnes. Le chef d’état équatorien retrouvant toute sa verve et son lyrisme se demanda comment il était possible qu’on puisse ainsi jouer avec une chose aussi sacrée que le futur de la patrie. Il promit qu’il n’y aurait ni pardon, ni oubli pour les ambitieux insatiables, les irresponsables de toujours qui ont mis à mal l’image du pays au niveau international en le présentant comme une république d’opérettes où l’on séquestre le président. Très vite, tout en demandant que soit revue la réforme qui a poussé les policiers à la révolte, le chef des forces armées réitéra son soutient total et sa loyauté au président de la république et précisa que ces dernières restaient entièrement soumises à son autorité. Rafael Correa put également bénéficier du soutient unanime de la communauté internationale et de la réactivité de l’Union des Nations Sud-américaines « UnaSur » qui durant un sommet extraordinaire à Buenos Aires le jeudi 30 septembre a pris des mesures d’urgence immédiatement applicable telles que la fermeture des frontières avec l’Équateur, la suspension du commerce, du trafic aérien à destination du pays et de son approvisionnement en énergie. Contrastant avec l’attitude qui a été la sienne lors du coup d’état perpétré en Honduras contre le président Zelaya, l’UnaSur a très vigoureusement et rapidement réagi pour peser de tout son poids dans le maintien au pouvoir de Rafael Correa.



Le président équatorien ne se contenta pas de faire part au peuple de sa tristesse quant à la tournure dramatique des évènements en ce jour où il faillit perdre le pouvoir, il livra à l’opinion publique des informations sur ceux qu’il considère comme les véritables auteurs de la tentative de coup d’état. Il assura que derrière cette conspiration se trouvait le parti de l’opposition Société Patriotique et son leader l’ex-président Lucio Gutiérrez actuellement exilé au Brésil. Lucio Gutiérrez qui après une courte période au pouvoir de 2005 à 2007 où il fut évincé de la présidence par une insurrection conduite par des syndicats indigènes dont était proche Rafael Correa, a nié tout lien avec les évènements du 30 septembre 2010. D’après le président il ne s’agissait nullement d’une légitime réclamation salariale mais d’un cas clair de conspiration visant à déstabiliser la démocratie équatorienne. Les policiers seraient selon lui victimes d’une campagne de désinformation de la part des partis de droite et des médias privés. Parmi ces putschistes il y aurait des infiltrés à la solde des puissances étrangères desquelles ils perçoivent des compléments de salaire : une situation à laquelle met justement fin la réforme, d’où leur ressentiment à son égard. Le président équatorien aurait même entendu durant sa séquestration les mutins changer de stratégie en décidant de mettre en œuvre leur plan B qui était de l’assassiner après s’être rendus compte que leur plan initial de déstabilisation du gouvernement n’avait pas fonctionné. Suite à ce soulèvement le gouvernement a changé toute la direction de la police du pays. Le chef de la police a très rapidement annoncé sa démission et 3 hauts gradés du régiment de police où ont eu lieu les incidents ont été arrêtés.

Les opposants de Correa n’ont vu rien d’autre qu’un show médiatique de plus

Le son de cloche est tout autre du côté des détracteurs du président équatorien qui accusent ce dernier de s’être sciemment jeté dans la gueule du loup et de s’être par la suite livré à un véritable show médiatique. Pour l’opposition, Rafael Correa doit trouver dans sa réforme les causes de la colère qui a poussé les policiers et une partie de l’armée à défier le pouvoir. Selon elle, c’est le vote de la loi organique du service public qui a été le détonateur des violences du jeudi 30 décembre. Cette réforme votée la veille n’incluait pas à l’origine le volet sur la rémunération des policiers et des forces armées. Ce volet a été rajouté au dernier moment par le président Correa sans pouvoir être discuté au parlement et c’est ce cheminement qui fait que la loi déjà perçue comme injuste par les policiers est aussi accusée d’être anticonstitutionnelle. Les opposants de Correa s’interrogent sur le réel motif de sa présence au sein du régiment de police de Quito où il ne pouvait s’attendre à être accueilli en héros par une foule en colère. La nature des propos tenus par le président, son attitude de défi vis à vis des hommes armés laissent dubitatif. Un autre sujet de perplexité est l’empressement du pouvoir à verrouiller la communication en contraignant toutes les chaines de télévision et de radio à n’émettre que le signal officiel donnant ainsi au séquestré une tribune incomparable. Ce dernier point fait dire à certains qu’il ne s’agissait pas d’une séquestration, encore moins d’une tentative de coup d’état mais d’une auto-séquestration voire d’un coup d’état médiatique du pouvoir. Certains analystes politiques soulignent d’ailleurs que nulle part dans le monde on a vu des policiers effectuer un coup d’état qui est presque toujours une émanation de l’armée. Les policiers grévistes n’avaient d’ailleurs pas de revendications politiques et encore moins réclamé la mort du président malgré son discours agressif.

Moins d’un mois après ces terribles manifestations qui ont tout de même fait 13 morts dans tout le pays il est toujours extrêmement difficile de faire ressortir la vérité des évènements du 30 septembre tant la vérité a très vite été brouillée par les querelles idéologiques dont est en proie le continent américain. Un indicateur de cette lecture idéologique de ces événements est la sémantique des communiqués de condamnation de la séquestration du président Correa. Alors que l’immense majorité des chancelleries en évitant de nommer ces évènements appelaient dans des termes très diplomatiques au respect de la constitutionnalité du président Correa démocratiquement élu et au rejet de toute tentative de remise en cause des institutions démocratiques de l’Équateur, il est à noter que le camp progressiste aussi affectueusement appelé camp castro-chaviste par ses détracteurs ne s’embarrassait pas de ses formules abstraites. Pour ce dernier qu’il y ait eu un coup d’état en Equateur est plus qu’une évidence. Fidel Castro assura très tôt que « le coup d’état était déjà perdu et qu’Obama et la Clinton n’avaient d’autre choix que de le condamner ». Hugo Chavez annonça plusieurs heures avant que la réunion extraordinaire de l’UnaSur ait lieu l’objet de ce sommet qui devait selon lui traiter du coup d’état en Équateur. Un coup d’état qui à ses yeux était parrainé par les États-Unis. Evo Morales dénonça la honteuse conspiration de ceux qui ont perpétré ce coup d’état et qui par la force et la violence veulent empêcher l’inarrêtable changement révolutionnaire en Amérique Latine. Les époux Kirchner affirmèrent qu’il s’agissait d’un putsch contre les gouvernements progressistes pour freiner les avancées sociales et leur ministre des affaires étrangères vit même l’œuvre des puissances économiques et médiatiques qui avaient déjà entamé leur travail de sape en Honduras. Comme toujours des thèses conspirationnistes vinrent compliquer un peu plus le débat. Du côté des détracteurs du président on évoque une gigantesque mise en scène avec une simulation de séquestration. Une rumeur laisse même entendre que les policiers étaient disposés à faire une haie d’honneur au président mais que ce dernier préféra l’intervention de l’armée pour sortir la tête haute. La question de savoir s’il faudrait qualifier de tentative de coup d’état les évènements du 30 septembre 2010 agite encore la blogosphère.

La loi organique du service public : la réforme qui mit le feu aux poudres





Le président Correa a mis en œuvre ces deux dernières années un important chantier de réformes qui ont considérablement augmenté les tensions sociales au sein du pays. La plus ambitieuse mais aussi la plus controversée est sans doute la loi du service public qui englobe la réforme du système des retraites, les rémunérations et l’emploi des fonctionnaires, la réforme de l’enseignement supérieure ou encore celle du système de santé pour ne citer que ses volets les plus connus. Cette loi fait suite à la décriée loi sur les médias dénoncée comme étant un instrument de censure de plus contre l’indépendance de la presse. La réforme du service public s’est donné pour ambition de favoriser le développement professionnel, technique et personnel des travailleurs du secteur public afin d’accroître la qualité, l’efficacité et la productivité de l’État équatorien et de ses institutions. Cette efficacité passe notamment par une réduction drastique du nombre de fonctionnaires de 130 000 dont 80 000 pour les forces armées et la police, contre les 470 000 que comptent actuellement le pays. La réforme introduit le concept de « Renoncement Obligatoire » suite à la suppression d’un poste. Chaque institution est chargée d’identifier les postes superflus et d’indemniser les fonctionnaires contraints de renoncer à leur emploi d’un montant allant de 5 à 175 fois le SMIC équatorien par année d’ancienneté, la moitié de cette indemnité pouvant être payée sous forme d’obligations d’état. Les fonctionnaires devront obligatoirement prendre leur retraite à 70 ans pour espérer bénéficier de 100% de leurs indemnités de départ en retraite. En dessous de cet âge, en cas de départ anticipé ils n’auront droit qu’à la moitié de cette indemnité, l’autre moitié leur étant payée sous forme d’obligations d’état avec un rendement annuel de 7% qu’ils pourront récupérer au bout de 5 ans. La réforme ouvre aussi les emplois de la fonction publique aux étrangers résidant depuis au moins 5 ans en Équateur. Elle anticipe la baisse de personnel dans le système de santé allongeant la durée de la journée de travail qui est désormais de 8 heures comme dans le reste de la fonction publique. L’accès à la fonction publique se fait désormais par concours et une évaluation annuelle de chaque fonctionnaire est mise en place de laquelle dépendra son avancement. Le fonctionnaire pourra être licencié en cas d’échec répétitif à l’évaluation.

Ces quelques mesures à elles seules suffisent à donner une idée de l’ampleur du mécontentement dans la société équatorienne. Une réforme touchant autant de secteurs d’activité ne pouvait que susciter un large front de détracteurs impliquant pratiquement tous les corps de métier de la fonction publique. Aux fonctionnaires il faut ajouter le mécontentement d’étudiants qui craignent pour l’autonomie et le financement des universités et pour lesquels la réforme constituait une véritable déclaration de guerre de la part du président Correa. Dans un pays où l’espérance de vie était de 75,1 en 2008 la retraite à 70 ans et le fait que le palier de progression dans la carrière des fonctionnaires soit fixé à 65 ans sont vécus comme une provocation du gouvernement révolutionnaire. Cette réforme contient cependant des avancées au niveau des salaires car elle diminue la part variable de ces derniers et permet ainsi d’améliorer les pensions de retraites dont le calcul repose sur les salaires fixes. La réforme introduit également une harmonisation du salaire d’embauche qui d’une région à l’autre variait du simple au double. Mais ces deux dernières mesures entrent en contradiction avec la volonté du gouvernement de rémunérer par des primes les bons travailleurs pour les distinguer des mauvais fonctionnaires. En prétendant rompre avec l’inefficacité de la bureaucratie équatorienne et en précarisant en quelque sorte les emplois du secteur public la réforme semble faire des fonctionnaires les principaux artisans des insuffisances organisationnelles des instituions du pays. Les organisations de la gauche radicale dénoncent les dérives néolibérales de ce gouvernement qui se dit révolutionnaire tout en introduisant dans la fonction publique une flexibilité que lui envieraient de nombreux gouvernements libéraux. Le puissant mouvant indigène qui avait favorisé l’arrivée au pouvoir de Rafael Correa et s’en est détaché depuis fustige la démocratie autoritaire du gouvernement accusé de privatiser les ressources du pays et chez qui il voit une forme de néocolonialisme. Les syndicats accusent le gouvernement de dégraisser la fonction publique en se livrant à l’achat massif de démissions par l’octroi de primes aux personnes abandonnant leur emploi. La loi prévoit par exemple que ces personnes en cas de retour dans la fonction publique doivent rembourser une somme correspondant à leurs indemnités de départ moins leur dernier salaire multiplié par le nombre de mois non travaillés. Cette mesure a pour effet d’inciter les fonctionnaires démissionnaires à rester le plus longtemps possible hors de la fonction publique car chaque mois passé diminue les indemnités à rembourser à l’État. C’est dans ce contexte social très tendu que s’est déroulée la manifestation des policiers qui succédait à celles les semaines précédentes des professeurs, des étudiants et des infirmiers.

Une pédagogie des plus controversées

« Messieurs si vous voulez tuer le président, je suis là. Tuez-le si vous en avez envie, tuez-le si vous avez du pouvoir, tuez-le si vous avez de la valeur au lieu de vous cacher dans la foule ». C’est en ces termes que le président équatorien a tenu à traduire sa volonté de dialogue aux policiers du régiment N°1 de Quito à qui il était venu expliquer sa réforme mal comprise. Il accusa aussi les policiers de trahir leur mission et leur serment en abandonnant le peuple sans défense. Dire que ce discours ne plut pas est un euphémisme et la virulence de la réaction des policiers à l’encontre de leur président témoigne assez du caractère hasardeux de la démarche de Rafael Correa chez qui on peine encore à déceler les intentions véritables. Déclarant ne pouvoir rien négocier sous la pression et partant de l’idée que le soulèvement policier était le fait d’une simple méconnaissance de sa réforme, le président équatorien a fermé la porte à toute possibilité d’avancée en faisant montre d’une intransigeance qui donna aux policiers le sentiment de n’être écoutés. Aux policiers qui revendiquaient le maintien de leurs avantages salariaux, le président opposait le fait que le gouvernement avait augmenté leurs salaires, un élément qui montre que le gouvernement a péché par manque de pédagogie et qui contraste avec la perception qu’en ont les policiers grévistes. Le reproche fait au président équatorien est double : tout d’abord la pertinence de sa présence au sein d’une foule hostile au risque d’y perdre sa vie et de déstabiliser les institutions de l’État. Il y a aussi la nature des termes employés pour s’adresser à ces hommes en colère de surcroît armés. Même s’il n’est pas étonnant qu’un président qui s’estime proche du peuple ne s’embarrasse pas du langage châtié de la diplomatie pour s’adresser à ce dernier beaucoup estiment que l’imprudence de Rafael Correa a sans doute été un facteur aggravant dans cette crise. L’incompréhension entre le président et ses administrés fut patente en cette journée du jeudi 30 septembre 2010 où face aux revendications essentiellement salariales des policiers le président les perçut ou fit semblant de les percevoir comme une volonté de l’assassiner et de renverser son gouvernement.




En effet l’idée que l’électrochoc du coup d’état raté qui a laissé le pays groggy après de longues semaines de manifestations sociales ait été provoqué sciemment par le président Correa dans le but de ramener la sérénité dans ce pays sujet à d’importantes réformes ne semble pas dénuée de sens. Le peuple paniqué par les informations qui lui parvenaient des médias sous contrôle a accouru sauver le président, la patrie et la révolution citoyenne. La séquestration ultra-médiatisée de Rafael Correa s’apparente dès lors à un coup de poker qui a momentanément écarté de l’espace médiatique tous ses détracteurs relégués au rang de conspirateurs et d’ennemies de la patrie. Une certaine forme de paranoïa a même gagné le pouvoir qui multiplie les cibles pour éviter que ne se reproduisent des évènements d’une telle gravité. Le coup d’état est présenté comme l’œuvre de la droite, du parti d’opposition et de leurs médias. Les policiers ayant bruyamment manifesté leur colère sont désormais des infiltrés à la solde des puissances étrangères. Les syndicats et les mouvements de la gauche radicale sont aujourd’hui considérés par le pouvoir comme les véritables ennemies qui abritent des agents de l’impérialisme et de la CIA. Le peuple pris à témoin a pu voir où menaient toutes ces manifestations qui depuis des semaines incitaient aux rejets des réformes du gouvernement révolutionnaire. Le calme règne de nouveau après ce coup de semonce. Un calme tout d’abord imposé par l’état d’urgence qui a duré une semaine suite à la tentative de coup d’état. Un calme facilité par le discrédit jeté sur toutes les forces d’opposition au président équatorien y compris dans son parti où quelques députés ont essuyé des menaces d’une dissolution de l’assemblée si la réforme du service public n’était pas votée selon les désidératas présidentiels. Les voies semblent dégagées pour l’agenda des réformes du président Correa.

Un épisode de plus à mettre à l’actif de l’instabilité institutionnelle du pays

La stratégie du président équatorien d’assumer l’entière responsabilité des nombreuses réformes jugées nécessaires dans le pays malgré l’hostilité d’une partie de la société et de la gauche radicale qui y voit des dérives néolibérales pourra peut-être être saluée d’ici quelques années comme un acte de courage politique. Mais on retiendra aussi l’acte d’extrême témérité qui l’a conduit à aller défier un régiment de policiers en colère dont on saluera le sang froid malgré les injonctions et les provocations de leur dirigeant. La séquestration du président Correa a une fois de plus mis en exergue la fragilité institutionnelle de l’Équateur où tous les pouvoirs semblent reposer sur le président de la république. Parmi les causes de cette absence de contre-pouvoir on peut citer en exemple la menace de dissolution de l’assemblée nationale après que des élus du peuple aient émis leur volonté de modifier la réforme du service public contre la volonté du président. Cette manœuvre de dissolution qui porte d’ailleurs le nom de « muerte cruzada » (la mort sur la croix) en dit long sur la façon dont est vécue la dissolution par les députés équatoriens et sur les risques encourus en cas de dissension avec l’exécutif. Cette « muerte cruzada » peut tout aussi bien s’appliquer au président à travers la procédure de destitution nécessitant un vote des deux-tiers de l’assemblée. L’histoire de l’Équateur montre que c’est sous cette dernière forme qu’elle a été le plus employé ces dernières années. Le pays a ainsi connu 8 chefs d’état depuis 1997, année où le président Abdalá Bucaram fut destitué pour « incapacité mentale » après seulement un an de pouvoir. Son successeur Jamil Mahuad Witt connu le même sort 2 ans plus tard après qu’une grave crise économique ait poussé au soulèvement les mouvements indigènes et une partie de l’armée. Lucio Gutiérrez accusé par Rafael Correa d’être derrière le coup d’état de 2010 quittera de la même manière le pouvoir en 2005. Rafael Correa qui prit le pouvoir en 2007 après avoir gagné les élections de novembre 2006 a été réélu en avril 2009 après l’entrée en vigueur d’une nouvelle constitution. Les évènements du 30 septembre 2010 bien qu’ils ne soient qu’un épisode de plus à mettre à l’actif de l’instabilité institutionnelle du pays montrent tout de même des signes d’espoir pour la stabilité de la démocratie en Équateur car en ce jour le peuple a manifesté son rejet des prises de pouvoir par la force. Le fait qu’il ait peut-être été victime d’une manipulation n’ôte rien à sa maturité et à son hostilité affichée à la conquête du pouvoir autrement que par la voie des urnes.

En visite au Japon le 6 septembre 2010, le président Correa avait pourtant affirmé au premier ministre japonais que la stabilité politique de l’Équateur était son principal atout pour devenir la porte d’entrée des investissements nippons en Amérique du Sud. Insistant sur les bienfaits de la nouvelle constitution adoptée en 2008 sur l’environ économique du pays, le chef d’état équatorien évoqua devant ses hôtes les garanties de sécurité juridique dont bénéficient les entreprises étrangères en Équateur où selon lui règne un climat d’investissement. Ce portrait très flatteur de la situation politique équatorienne assez éloigné de la réalité de l’exercice démocratique dans le pays montre évidemment à quel point le développement économique pâtit de l’instabilité politique liée à la faiblesse de ses institutions. Ce diagnostique est même partagé par le président équatorien qui pointe du doigt un modèle pervers qui s’est trop longtemps imposé au pays et duquel découle son instabilité. Les solutions pour ramener la stabilité politique passent par un nécessaire changement du mode de gouvernance et par le respect des institutions. Cela exige du chef de l’état qu’il ne donne plus la possibilité aux citoyens d’insulter, mépriser et désacraliser la fonction présidentielle. En cette terrible journée du 30 septembre, il n’y a pas que les policiers insubordonnés qui ont momentanément terni l’image du pays en en faisant comme le dit leur président un « une république d’opérettes ». Il est regrettable que l’attitude de ce même président ait été tout autant dommageable. De plus, le traitement de la presse, des partis de l’opposition, la qualité du dialogue social ou le consensus recherché dans la mise en œuvre de certaines réformes sont aussi des éléments d’appréciation du rayonnement politique d’un pays et en la matière l’image de l’Équateur gagnerait à être améliorée.

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dimanche 3 octobre 2010

Violences et dynasties dans l’espace politique philippin


La campagne pour les élections locales et nationales de mai 2010 aux Philippines qui a été marquée par un terrible cas de violence politique a exacerbé le ressentiment face l’omniprésence des dynasties et des seigneurs de guerre dans l’espace politique.


La terrible méprise du futur gouverneur

Lorsqu’ Ismael Mangudadatu candidat à l’élection de mai 2010 au poste de gouverneur de la province de Maguindanao décida de rompre par cette acte de candidature l’alliance politique qui liait sa famille au puissant clan des Ampatuan dont le patriarche occupait le poste depuis une décennie, l’homme était loin d’avoir pris la mesure du prix à payer pour cette élection dont il allait sortir vainqueur quelques mois plus tard. Cet acte de défi allait déclencher une série d’incidents violents entre les anciens alliés. Le candidat du clan Mangudadatu reçut même des menaces de mort qu’il prit pourtant très au sérieux mais qui ne le dissuadèrent pas d’aller jusqu’au bout de sa démarche pour selon lui libérer la province de l’emprise de son impitoyable gouverneur. L’homme prit conseil auprès des siens et trouva une solution originale quoique funeste.

Le « Rido », le code de l’honneur qui régit les actes de violence politiques dans cette province philippine interdit de s’en prendre aux femmes, aux enfants et aux vieillards. Ismael Mangudadatu décida d’en tirer profit pour enregistrer sa candidature à l’élection de gouverneur dans la ville de Shariff Aguak capitale de la province et fief des Ampatuan. Le choix de cette ville comme lieu de dépôt des candidatures avait été fait par la Commission des Élections des Philippines (COMELEC) et cette décision allait rendre l’acte de candidature d’Ismael Mangudadatu hautement provocateur dans cette ville baptisée par les Ampatuan du nom de l’un de leurs aïeuls. Le candidat ne s’avisa pas d’aller lui-même déposer sa candidature et ainsi risquer inutilement sa vie. Il réunit sa femme, deux de ses sœurs, une tante, deux de ses avocates, quelques partisanes et un maximum de journalistes car il pensait qu’aucun mal ne pourrait être fait à ces dames et que la présence des médias et donc de nombreux témoins dissuaderait les Ampatuan d’entreprendre quoique ce soit pour empêcher sa candidature.

Lundi 23 novembre 2009 à 9h30 le convoi partit de Buluan, une ville dont Ismael Mangadadatu était alors l’adjoint au maire à destination de Shariff Aguak. Les femmes qui se décrivaient comme le pouvoir féminin en action étaient enthousiastes à l’idée de contribuer à construire un meilleur futur à la province et à ses habitants. Une quarantaine de personnes faisait partie du convoi dont près de la moitié était constituée de femmes. La police tout comme l’armée sous le contrôle de l’influent gouverneur Ampatuan refusa d’escorter le convoi et d’assurer sa sécurité. Les Ampatuan qui disposaient en plus de l’une des plus puissantes milices armées du pays n’allaient pas tarder à se mettre en action en envoyant une effroyable réponse au futur gouverneur ; un coup de semonce qui allait résonner bien au-delà des frontières des Philippines.


Tuez les tous !


Six jours avant qu’eurent lieu ces évènements la question de la candidature d’Ismael Mangadadatu fut évoquée au cours d’un dîner où étaient réunis les principaux acteurs politiques de la famille Ampatuan. Un des domestiques du patriarche Andal Ampatuan Sr affirme que ce soir-là ce dernier demanda comment il était possible d’empêcher Ismael Mangudadatu de se présenter aux élections et l’idée de tuer tous ceux qui s’aventureraient à venir déposer sa candidature fut émise par l’un des fils Andal Ampatuan Jr. Aux dires du domestique l’idée plut beaucoup et fut approuvée par l’ensemble du clan. Le patriarche n’avait plus qu’à donner quelques directives sur la façon dont le problème Mangudadatu allait être solutionné.

Le 23 novembre 2009 donc, une centaine d’hommes armés intercepta le convoi et massacra avec une rare barbarie tous ceux et celles qui en faisaient partie. Les victimes furent emmenées sur les flancs d’une colline et séparées en groupes d’hommes et de femmes. Les poings liés, certains furent criblés de balles avec des armes de guerre, d’autres achevés à la machette ou à la tronçonneuse. Des corps ont été mutilés, parfois décapités et les parties intimes des femmes systématiquement visitées. L’épouse d’Ismael Mangudadatu semble même avoir reçu un traitement particulier de la part d’Andal Ampatuan Jr dont des participants affirment avoir vu frapper la pauvre femme. Le corps de cette dernière a d’ailleurs été retrouvé violé et décapité. Toutes les victimes ainsi que leurs véhicules ont été enterrés à l’aide d’une pelleteuse retrouvée sur les lieux de la tuerie. 2 véhicules étrangers au convoi à bord desquels se trouvaient 6 passagers ont été pris dans l’embuscade et les ordres d’ Andal Ampatuan Jr de ne laisser aucun témoin de la tuerie ont scellé à jamais leur sort.

Bien que le pays soit accoutumé aux violences politiques pendant les périodes électorales, le massacre de Maguindanao a profondément marqué les esprits par l’ampleur et la brutalité de ces assassinats. Au total la tuerie a fait 57 morts dont 27 journalistes, ce qui en fait le plus terrible assassinat de journalistes en temps de paix. L’ONU, les ONG de défense des droits de l’homme et bien sûr les autorités philippines ont vigoureusement condamné cette attaque et demandé à ce que les auteurs soient traduits en justice. La présidente Gloria Arroyo a immédiatement réagit en instaurant la loi martiale dans la région et en y déployant des troupes de l’armée. Une enquête fut diligentée et révéla l’implication d’officiers de la police et de l’armée dans ce bain de sang. Les membres les plus influents de la famille Ampatuan parmi lesquels Andal Ampatuan Jr furent arrêtés et envoyés dans une prison de haute sécurité de Manille la capitale philippine pour y attendre leur procès. Ces derniers, malgré les preuves qui les accablent nient toute implication dans ce massacre et continuaient après leurs arrestations leurs activités politiques depuis leurs cellules de prison en accordant des interviews aux médias ou en annonçant leurs préférences pour l’élection présidentielle de mai 2010. Une attitude agaçante assez révélatrice du sentiment de toute puissance du clan.


La justice entravée par les liens étroits des Ampatuan avec le pouvoir


Mercredi 8 septembre 2010 le procès maintes fois repoussé des auteurs du massacre de Manguindanao a enfin put commencer dans une salle spécialement aménagée de la prison de haute sécurité de Manille. Un cadre justifié par l’évasion d’un des accusés et par la dangerosité du clan Ampatuan et de ses hommes de main. Bien que l’armée ait saisi des stocks considérables d’armes et de munitions appartenant au clan, l’emprise de ce dernier dans la province de Manguindanao reste pratiquement intacte après de décennies de pouvoir. Sur les 196 personnes accusées de meurtres ou de complicités de meurtres, seules 19 étaient présentes à l’ouverture du procès parmi lesquelles Unsay Andal Ampatuan Jr, son père Andal Ampatuan Sr, 16 policiers et 2 paramilitaires. Une centaine de personnes dont de nombreux miliciens armés qui courent toujours dans la nature restent activement recherchées. Ce procès hors norme qui avec ses 196 accusés et ses 500 témoins appelés à la barre constitue le deuxième plus important qu’ait connu le pays après les procès pour crimes de guerre liés à le seconde guerre mondiale inspire beaucoup de scepticisme sur sa réelle portée.
Andal Ampatuan Jr
Le trop grand nombre d’accusés avec une armée d’avocats à leurs services et toujours enclins à exploiter la moindre faille juridique a retardé le procès de 5 mois. Ce dernier s’est d’ailleurs ouvert après une énième tentative des avocats des Ampatuan d’ajourner le procès pour disposer de plus de temps de préparation. Le clan et ses soutiens semblent pourtant avoir mis à profit ces retards. Au moins 5 témoins ont été assassinés et d’autres un peu moins malchanceux simplement intimidés. La majorité des policiers, militaires et paramilitaires impliqués dans la tuerie restent en liberté. Un juge qui craignait pour sa vie et celle de sa famille s’est désisté. Le procureur, pris d’une attitude confuse a dans un premier temps levé les charges qui pesaient sur 2 membres de la famille arguant qu’il ne disposait pas d’assez d’éléments contre eux puis est revenu sur sa décision sous la pression des médias et des autorités judiciaires. Les autorités aussi accusées d’être derrière les errements de ce procès tout en voulant s’en servir pour entretenir l’illusion d’une justice efficace s’attaquant aussi bien aux faibles qu’aux puissants. Pour avoir permis à des clans comme les Ampatuan d’acquérir une telle puissance militaire, beaucoup tiennent le pouvoir pour véritable responsable de la tragédie qu’a connu le pays durant cette dernière campagne électorale.

Les tergiversations de la justice et l’apparente manque de fermeté du gouvernement de Manille sont soudainement apparus comme une volonté de la présidente Gloria Arroyo de ménager ses alliés politiques dans cette région hautement instable. Lors de l’élection présidentielle de 2004 et les élections sénatoriales de 2007 Gloria Arroyo avait en effet bénéficié du soutien de poids du clan Ampatuan. Dans 3 villes contrôlées par la famille, son adversaire n’avait pu décrocher la moindre voix offrant à la présidente des plébiscites avec 100% des votants. Les 12 candidats aux sénatoriales présentés par le parti au pouvoir avaient tous été élus. L’utilité des Ampatuan pour le gouvernement central de Manille n’était pas qu’électorale. Cette région qui est un ancien sultanat est en effet en proie à des attaques fréquentes du Front de Libération Islamique Moro, un groupe de séparatistes musulmans. Elle sert aussi de bases à des groupes terroristes liés à Abu Sayyaf et à des unités de la Nouvelle Armée du Peuple, un groupe séparatiste communiste. La milice armée des Ampatuan très impliquée dans la stabilisation de la région était avant ce terrible massacre un allié naturel de la police et de l’armée. Mais la présidente Arroyo ne pouvait prendre le risque d’être accusée de laxisme face à un tel acte de barbarie. Andal Ampatuan Jr et son père ont tous les deux été exclus du parti de la présidente dont ils étaient d’influents membres. Néanmoins cette tentative de se débarrasser d’encombrants alliés politiques ne suffit pas à masquer une particularité de la démocratie philippine devenue criante avec ce massacre : l’omniprésence des dynasties et des seigneurs de guerre dans l’espace politique.


Le jeu démocratique biaisé par les dynasties politiques



La condamnation par l’ONU du massacre de Maguindanao s’est accompagnée d’une demande aux autorités philippines d’éradiquer la manipulation du processus démocratique par les clans politiques du pays. Les Philippines sont en effet dirigées par une opulente élite constituée par de puissantes familles vestiges de sa période coloniale. Après l’indépendance du pays en 1946 la présence de plus en plus visible des seigneurs de guerres dans la vie politique du pays en est devenue la principale caractéristique. Après la guerre du pacifique le pays a hérité de nombreux stocks d’armes abandonnées par l’armée japonaise et par les États-Unis qui y soutenaient des groupes de guérilla locaux. Ce fut la période où le gouvernement de Manille perdit le contrôle de certaines provinces permettant l’émergence de nouvelles générations de riches familles de propriétaires terriens et de clans qui y ont établi des bastions politiques. Ces familles semblent n’écarter aucune solution pour conforter leur pouvoir qu’elles préservent en partie grâce à la culture de la fraude électorale, de la corruption et de la violence politique. Sur les 265 députés élus en 2007, 60% appartenaient aux quelques 250 dynasties politiques qui dominent la vie politique du pays. L’argent joue évidemment un rôle déterminant dans le maintien d’un tel système où d’onéreuses campagnes électorales pour les postes les plus importants écartent d’office les infortunés de la course au pouvoir. Une fois au pouvoir ces clans jouissent d’un contrôle total de leurs circonscriptions et ont accès aux subventions du gouvernement central qui alimentent ces régions quelque soit le dirigeant politique local. Dès lors les vainqueurs des élections sont systématiquement issus de vieilles familles politiques ou de dynasties naissantes ayant de l’influence tant au niveau local que national.

Outre le pouvoir financier l’élément le plus significatif qui permet dans certaines provinces à ces dynasties politiques d’asseoir leur domination est l’emploi des milices armées. La constitution de 1987 interdit les milices armées et autres groupes paramilitaires mais en 2006 le gouvernement de Gloria Arroyo a publié un décret autorisant la formation par les autorités locales des Gloria Arroyo organisations de civiles volontaires sensées suppléer la police nationale et l’armée dans le maintien de l’ordre et de la stabilité du pays. Cette mesure reste d’une efficacité discutable car il s’est avéré qu’en réalité ce sont des groupes armés au service des élites politiques locales. Ce décret a donc été perçu comme une volonté de la présidente d’institutionnaliser les groupes paramilitaires comme celui du clan Ampatuan. Des analystes estiment aujourd’hui à plus de 150 le nombre de milices armées au service des clans politiques dans le pays. Ces milices ne sont soudainement pas apparues avec l’arrivée de Gloria Arroyo au pouvoir, les gouvernements successifs philippins ont toujours autorisé la formation des milices et l’usage de ces dernières par la police et l’armée dans la lutte contre les groupes séparatistes communistes et musulmans. Certains politiciens locaux qui ont commencé à utiliser ces groupes dans le cadre de leurs activités ont ensuite usé de leur influence sur leurs électeurs pour soutenir des candidats aux élections nationales pro gouvernement central. Ces pratiques ont fait des élections aux Philippines autant d’arènes politiques où des dynasties politiques s’affrontent aux suffrages nationaux et provinciaux pour les plus riches, municipaux et de districts pour les moins foins fortunées.

La famille Ampatuan est une parfaite illustration de la nature du système politique philippin et des dérives qu’il peut engendrer bien que la tuerie de Manguindanao soit un cas extrême et donc hors norme de violence en période électorale. Le clan prit son envol politique au milieu des années 70 lorsque Andal Ampatuan Sr fit partie des hommes de confiance que le président Ferdinand Marcos choisit pour administrer certaines provinces rendues instables par la présence de groupes séparatistes. Les Ampatuan ont depuis mis en place une véritable machine électorale au service du gouvernement central et de leurs intérêts. Avant l’élection de mai 2010, 2 d’entre eux étaient gouverneurs et au moins 4 occupaient des postes de maire dans cette région. Les Ampatuan se sont toujours défendus des accusations de fraudes électorales régulièrement émises par leurs opposants et le sort peu enviable réservé à ceux qui osent témoigner contre eux ferme la porte à de véritables investigations. Ainsi un directeur d’école qui avait affirmé avoir été témoin d’un cas de fraude électorale dans une ville tenue par ces derniers a été assassiné. Le clan qui jouissait d’une quasi impunité a su se rendre incontournable dans la province de Maguindanao au point que toutes les initiatives économiques nécessitaient leur l’aval. Les postes qu’ils occupaient les rendaient gestionnaires des subventions de l’État et de ses projets dans la province. Leur influence était telle que même les décisions importantes de la police et de l’armée dans la région se faisaient en concertation avec eux. Cependant ce pouvoir de la famille ne devait son existence qu’au fait qu’il résidait essentiellement sur la bienveillance du gouvernement central à leur égard. Après le massacre, près de 400 de leurs miliciens ont été désarmés. Ces hommes avaient à leur disposition un arsenal constitué de fusils d’assauts, de lance-roquettes, de pièces d’artillerie et d’environ un million de munitions. Bien que les violences électorales soient endémiques aux Philippines et que les autorités à travers la COMELEC ont toujours tenté d’endiguer le phénomène nul ne semble avoir tenté de prévenir que ces miliciens rompus aux combats avec des groupes séparatistes soient employés à des fins politiques avec le même engagement et la même détermination.


La violence électorale corollaire des luttes de clans politiques


Les Philippins se passionnent véritablement pour les élections. Les antagonismes entre les dynasties et les oligarchies du pays souvent sources d’une violence parfois extrême en période électorale ne semblent pas doucher leur amour pour les scrutins. Les taux de participation y sont généralement très élevés avec 80 à 85% de participants aux élections nationales et ce malgré de nombreux obstacles comme les difficultés liées au transport dans l’archipel et les intimidations diverses de la part des partisans des candidats. La période électorale qui dure 120 jours s’apparente quelquefois à un carnaval avec des rassemblements politiques comprenant des spectacles avec danseuses et célébrités. Les candidats dépensent des fortunes pour séduire des électeurs qui ne semblent pas voter en fonction de la classe sociale, la religion ou l’idéologie des candidats comme c’est le cas dans bien des démocraties. Dans des zones où la violence politique est absente les électeurs choisissent les plus spectaculaires et dans celles où la violence prolifère les électeurs s’abstiennent ou choisissent celui le plus à même de garantir leur sécurité. Les carrières politiques souvent synonymes de prestige social et de richesse sont donc très prisées des riches familles du pays. Au niveau local des postes comme celui de gouverneur d’une province donnent droit à de nombreux avantages pour lesquels les politiciens sont prêts à tout y compris éliminer physiquement leurs adversaires. Pour les élections de Mai 2010 par exemple 6 candidats aux postes de gouverneurs ont été assassinés. Les enjeux sont principalement financiers comme la gestion des contrats avec l’État, des subventions des organismes de l’État, des fonds pour le développement, le financement des infrastructures et des projets de l’État sans compter les taxes et impôts locaux auxquels ont droit ces provinces. Une manne financière qui alimentent ces familles et contribue à les maintenir longtemps au pouvoir.

La synchronisation des élections locales (gouverneurs, maires, chefs de district) avec les élections nationales (législatives, sénatoriales et présidentielles) donne un rôle significatif aux candidats aux élections locales dans le système électoral philippin. Les candidats aux élections nationales dépendent beaucoup des capacités de mobilisation des candidats aux élections locales pour ensuite attirer vers eux les voix des électeurs de ces derniers. La structure du système politique philippin peut être décrite comme pyramidale avec à la base les électeurs des candidats aux élections locales qui par le mécanisme de soutiens politiques fournissent leurs voix aux candidats des élections provinciales. L’électorat des gouverneurs va servir aux élections des députés et sénateurs qui eux vont apporter leurs soutiens à tel ou tel candidat à l’élection présidentiel. Par ce jeu de clientélisme politique le président ainsi élu va être en devoir de récompenser ses soutiens directs qui vont aussi renvoyer l’ascenseur à ceux qui les ont fait élire ainsi jusqu’aux candidats aux élections locales. Dans cette structure pyramidale les voix sont données de bas en haut et les récompenses pour soutiens politiques de haut en bas. Cette structure a permis de pratiquement d’éradiquer les violences politiques pour les élections nationales où les candidats sont dispensés de la lutte pour l’obtention de chaque voix d’électeur et où les campagnes électorales se limitent à l’obtention du soutien de dirigeants locaux influents qui vont apporter leurs réserves d’électeurs. Cependant la violence politique lors des périodes électorales n’a pas pour autant disparue, loin de là. Cette violence a simplement été déplacée des élections nationales vers les élections locales où tous les coups semblent permis pour arracher les voix des électeurs. Dans le cas où les candidats disposent d’égales ressources financières pour faire campagne l’élimination pure et simple d’un concurrent demeure un recours trop souvent employé lorsque aucun arrangement politique n’a pu être trouvé. La « Ora de peligro » (l’heure du danger) désigne les deux jours précédant l’élection où des actions de dernière minute susceptible de changer à jamais le sort d’une élection sont entreprises. Les candidats qui vivent alors dans la peur et l’incertitude du résultat final tentent quelques derniers coups pour consolider leurs bases électorales et briser la machine électorale de leurs adversaires.


Les tensions naissant régulièrement durant les périodes électorales ont poussé les autorités à créer à travers la constitution de 1987 la COMELEC, une commission des élections en charge de superviser tous les aspects des campagnes électorales et les déroulements des scrutins dans le pays. La COMELEC recense les actes de violence depuis le début des campagnes électorales jusqu’au jour des élections. Des violences qui ont surtout lieu dans les districts et les provinces où des clans monopolisent la scène politique et où des hommes armés, la police, l’armée, les groupes rebelles figurent souvent parmi les auteurs. Ces violences se présentent sous de multiples formes. Elles peuvent concerner des menaces accompagnées ou pas d’atteintes physiques à l’adresse des candidats ou des électeurs, les kidnappings pour financer la campagne, les meurtres d’opposants et de leurs partisans, des actes de terrorisme dans certains lieux stratégiques, de simples destructions d’affiches et de banderoles ou encore des intimidations des membres de la COMELEC. Dans des situations critiques la COMELEC dispose du droit d’invalider une élection, de dissoudre le mandat d’un maire ou d’un gouverneur et de se substituer à ces derniers en attendant l’organisation de nouvelles élections. De 1992 à 2007 quelques 537 personnes ont trouvé la mort dans des incidents liés à la violence en période électorale. Durant la campagne officielle pour les élections législatives et locales de mai 2007 on a déploré 75 assassinats directement liés aux élections. Un chiffre cependant à relativiser car il témoignait d’un déclin du nombre de meurtres politiques survenant dans un contexte électoral. Lors de la précédente élection de 2004 il y avait eu 189 tués et 279 blessés pendant la campagne électorale. Malgré les 90 personnes mortes suite aux violences politiques lors des élections de mai 2010 cette dernière campagne aurait pu être l’une des plus pacifiques qu’ait connu le pays si elle n’avait été assombrie par le terrible massacre de Maguindanao. Cette amélioration est due au fait que la COMELEC décide dans certains cas de renforcer la sécurité dans les provinces et les villes les plus à risque avec le déploiement des troupes de l’armée, la mise en place de patrouilles de police et de check points mobiles dans plusieurs zones. Les évènements de Maguindanao montrent malheureusement que ces solutions a posteriori s’avèrent inefficaces tant que les citoyens philippins resterons à la merci des milices armées des dynasties politiques du pays.


Un démantèlement des milices unanimement souhaité mais ardu à mettre en œuvre



La campagne électorale hautement meurtrière des élections de mai 2010 et les critiques internationales qui se sont abattues sur le pays ont fait naître un consensus au sein de la société philippine sur la nécessité d’agir d’urgence pour le démantèlement des groupes paramilitaires aux services de certaines dynasties politiques du pays. La presse a d’autant plus amplifié ce message qu’elle a payé un lourd tribut dans la tuerie de Maguindanao. Cet événement ne constitue malheureusement pas un acte isolé dans ce pays qui est l’un des plus dangereux au monde pour un journaliste politique. De 2001 à 2008, 63 journalistes ont été assassinés aux Philippines et la presse en la matière dresse un bilan accablant des deux mandats de la présidente Gloria Arroyo malgré ses discours sur la liberté de la presse et le droit de tout un chacun de s’exprimer sans craindre pour sa vie. Dans les faits le gouvernement se montre peu enclin à mener des poursuites judiciaires dans les affaires d’assassinats de journalistes et une certaine forme d’opacité dans le traitement des morts soudaines de journalistes semble même être la règle. Pendant les deux mandats consécutifs de Gloria Arroyo ce sont aussi des centaines de militants politiques, des activistes des organisations de défense des droits de l’homme et d’influents religieux qui ont été tués ou ont mystérieusement disparus suite à des attaques politiques. D’après Human Right Wacht sur le chiffre de 1000 meurtres politiques qu’a connu le pays depuis 2001 et l’élection de Gloria arroyo seulement 6 cas ont été instruits en justice avec succès conduisant à la condamnation de 11 personnes. Malgré la forte implication de militaires dans ce type de crimes aucun d’entre eux n’a par exemple été condamné par la justice pour cela. Le gouvernement Arroyo a échoué à éradiquer la culture d’impunité qui règne dans la vie politique du pays et qui nourrit la violence à l’égard d’activistes des partis politiques ou d’organisation de défense des droits de l’homme. Sans crainte d’être traduits en justice et sévèrement condamnés, ceux qui utilisent des hommes armés pour commettre des meurtres politiques ne peuvent que se sentir encouragés à recourir à de telles pratiques. Même lorsqu’elle manifeste une réelle volonté d’élucider les affaires de crimes d’activistes politiques ou de journalistes, la police se trouve bien souvent sans indice et désemparée face à l’omerta qui accompagne ce type d’affaires.

Comme la plupart des gouvernements philippins la présidente Arroyo n’est pas pour autant restée inactive face au problème de la violence politique et cette dernière a été à l’origine d’une initiative impliquant toutes les composantes de la société philippine pour réfléchir à l’éradication des milices armées. Une commission dirigée par un ancien juge à la retraite de la cour suprême a été mise en place pour recommander les mesures à mettre en œuvre pour éliminer les implications des milices armées dans les campagnes électorales. La commission était également composée d’un évêque, d’un clerc musulman, d’un ancien officier de police à la retraite, d’un général, d’un représentant des médias et d’un activiste d’une organisation de lutte contre les crimes et la corruption. Cette commission qui se voulait donc représentative des institutions de la société philippine et qui faisait suite au massacre de Maguindanao montre à quel point la société entière se préoccupe de l’éradication de la violence dans la vie politique du pays. Cependant beaucoup émettaient déjà des réserves sur ces manœuvres destinées à démanteler ces milices qui font pourtant partie du paysage politique depuis des décennies. Ces détracteurs estimaient qu’une commission n’était en rien nécessaire pour demander à la police et aux forces armées de démanteler la liste bien connue des milices armées aux services des seigneurs de guerre. Les liens étroits entre les politiciens usant de ces milices et les membres du congrès qu’ils soutiennent et qui pourrait voter ces lois sur le démantèlement compromettaient déjà l’exécution des recommandations de cette louable commission. La volonté politique aussi sincère et ferme soit-elle se heurtera toujours à la nature même de ces milices armées très souvent associées dès leurs créations à l’armée et à la police au point que ces deux institutions sont une partie du problème à résoudre. En effet bon nombre de militaires et de policiers sont aussi au service des politiciens à travers ces milices dont les armes se confondent avec celles de la police et de l’armée.

Exiger le démantèlement des milices armées restera un vœu pieux tant que de profonds changements ne seront pas effectués dans la pratique de la vie politique surtout en période électorale par une partie de la classe politique philippine. Lors des élections de mai 2010 Amnesty International a suggéré aux candidats à l’élection présidentielle de s’engager à annoncer leurs plans pour l’éradication de la violence politique. Avec l’introduction du vote électronique pour remplacer un complexe et archaïque système de vote manuel dont le dépouillement mettait des semaines et étaient sujet à de nombreuses fraudes, la modernisation du système de vote peut aussi constituer un facteur de diminution des risques de violences post-électorales. Mais cette modernisation ne serait véritablement efficace que si elle s’accompagne là aussi d’un changement radical dans les mœurs politiques des candidats en période électorale où un trop grand nombre recoure encore aux basses manœuvres d’intimidation pour s’assurer les voix des électeurs. Pour certains, la modernisation de la vie politique passe par l’éradication des dynasties politiques du pays. Des mouvements politiques pour mettre fin à ces dynasties dans la démocratie philippine ont même vu le jour mais cela reste utopique tant ces familles sont puissances dans certaines provinces comme Maguindanao où les Ampatuan malgré la désastreuse image qu’ils ont donné d’eux sont tout de même parvenus à faire élire au moins 15 d’entre eux aux élections de Mai 2010. L’élection présidentielle qui avait lieu par la même occasion a une fois de plus démontré que la main mise de ces dynasties sur les hautes fonctions de l’État ne semble pas prête de s’arrêter. Gloria Arroyo dont la constitution interdisait la participation à cette élection tout comme le nouveau président Benigno Aquino III sont tous les deux d’illustres représentants des dynasties politiques du pays. Benigno Aquino III n’est autre que le fils de l’ancienne présidente Corazon Aquino. Gloria Arroyo, fille de l’ancien président Diosdado Macapagal s’est fait élire cette fois-ci députée pour bénéficier de l’immunité parlementaire aux dires de ses détracteurs qui veulent la voir comparaître pour corruption. Sa sœur, ses deux fils tout comme un de ses beau-frères sont membres du congrès. Un nouveau district a même été créé pour permettre à un de ses proches de s’y présenter aux élections. Une telle confiscation du pouvoir par ces dynasties n’est assurément pas le plus solide gage de pacification des périodes électorales dans le pays.

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